Les réalités de la décarbonisation commencent à se faire sentir

Par Monika Kumar, gérant de fonds et analyste au sein de l’équipe Action climatique, Lazard Asset Management

La course à la neutralité carbone commence réellement aujourd’hui, sous l’impulsion des efforts déployés en faveur de la décarbonisation. Cette situation pourrait avoir un impact sur les entreprises opérant dans des secteurs tels que l’électrification, l’agriculture, les réseaux électriques et les technologies de captage de l’hydrogène et du carbone, par exemple, ainsi que sur les entreprises exposées à ces thèmes à travers leurs chaînes de valeur respectives. Les investisseurs ne disposent pas de feuille de route pour la voie qu’ils s’apprêtent à emprunter.

Le changement climatique n’est plus un sujet qui manque d’engagements audacieux ou d’énormes quantités de capitaux. À elle seule, la Glasgow Financial Alliance for Net Zero - une alliance d’institutions financières dirigée par l’ancien banquier central Mark Carney - a promis la somme exceptionnelle de 130 000 milliards de dollars de capitaux privés pour soutenir l’effort de décarbonisation.

Cependant, les engagements et les capitaux ne suffiront pas à résoudre la crise climatique à laquelle nous sommes confrontés. Les systèmes financiers ont besoin de nouvelles incitations pour rediriger les capitaux vers les entreprises et les projets qui contribuent à concevoir des solutions à la crise climatique, les entreprises doivent aligner leurs opérations sur les objectifs de neutralité carbone et le comportement des consommateurs doit également évoluer. Point positif : le changement structurel s’opère déjà à un rythme soutenu et les marchés financiers commencent à en évaluer les effets.

La surveillance réglementaire s’intensifie

Le nombre croissant d’engagements et de promesses de la part des entreprises en matière de réduction des émissions de carbone s’inscrit dans le cadre du durcissement de la surveillance réglementaire, notamment aux États-Unis et en Europe. Cette année, plusieurs pays devraient optimiser les attentes en matière de publication d’informations sur le climat par les entreprises, nombre d’entre eux s’alignant sur les recommandations de la Taskforce on Climate-related Financial Disclosures (TCFD). Si la plupart des rapports sont actuellement soumis de manière volontaire, l’évolution vers la mise en place d’un mécanisme de déclaration obligatoire semble inévitable.

Nous pensons que, dès lors qu’il deviendra fortement recommandé, voire obligatoire, pour les entreprises de démontrer leur réponse face au risque et aux opportunités du changement climatique, elles intensifieront en amont leurs efforts de communication. Les entreprises qui anticipent cette évolution et agissent de manière proactive seront probablement récompensées par les investisseurs sur le long terme.

Les entreprises tentent de joindre le geste à la parole

Environ un cinquième des plus grandes entreprises publiques du monde se sont engagées à atteindre des objectifs de neutralité carbone, un chiffre qui, selon nous, devrait certainement augmenter. Les investisseurs devront obliger les sociétés à rendre des comptes et s’assurer que les stratégies d’entreprise sont suffisamment détaillées pour déterminer si l’entreprise est sur la bonne voie pour atteindre la décarbonisation d’ici 2050 ou plus tôt. Cependant, ils devront également adapter leur perception des entreprises pour évaluer les dépenses et les autres choix qu’une entreprise doit engager pour atténuer le risque climatique, ou l’impact potentiel des réglementations sur les émissions, de la tarification du carbone et de l’évolution du sentiment du marché sur les valorisations des entreprises. Le processus est déjà amorcé : si l’on tient compte d’autres variables, ces facteurs entraînent des décotes ou des primes plus importantes dans certains secteurs, zones géographiques et tailles de capitalisation boursière que dans d’autres.

Après avoir suivi près de 17 000 entreprises pendant quatre ans (2016-2020), le Lazard Climate Center a constaté qu’une réduction de 10 % des émissions au sein du premier quartile des entreprises les plus polluantes au niveau mondial était récompensée par une hausse de 0,6 % du ratio cours/bénéfice moyen. L’évaluation précise de l’impact de la transition énergétique sur la rentabilité des entreprises nécessitera des techniques améliorées et sophistiquées dépassant l’analyse financière traditionnelle pour évaluer correctement les risques climatiques physiques et de transition.

Comment y parvenir ?

La production d’électricité évolue rapidement en faveur des sources renouvelables, grâce aux incitations des gouvernements mondiaux qui ont leurs propres objectifs à atteindre. À court terme, il faudra combiner des sources de production d’énergie en complément de l’éolien et du solaire, au moins jusqu’à ce que des solutions de stockage d’énergie de longue durée soient développées et étendues. Cela explique en partie la décision prise par l’Union européenne en février d’inclure l’énergie nucléaire dans sa taxonomie des activités respectueuses de l’environnement. Dans le même temps, certaines entreprises de combustibles fossiles se réorientent pour investir dans des solutions de captage du carbone et des technologies utilisant l’hydrogène, ce qui devrait faciliter la transition.

Le conflit en Ukraine et l’isolement de la Russie qui en résulte auront probablement un impact sans précédent sur les marchés mondiaux de l’énergie. La volatilité continue des prix, les perturbations de l’approvisionnement et la poursuite du conflit pourraient très bien modifier le calcul d’un avenir à faible émission de carbone. Nous voyons déjà les gouvernements européens accélérer leurs plans de transition vers les énergies renouvelables, mais d’aucuns appellent également à accroître la production de combustibles fossiles afin d’éviter une crise énergétique à court terme. L’impact net de la crise n’est pas encore clair, mais il a certainement mis en évidence le caractère multidimensionnel des risques liés au maintien de la dépendance aux combustibles fossiles.

Nous pensons qu’il est tout aussi important de comprendre comment les gros pollueurs prévoient de devenir plus écologiques que d’examiner quelles technologies naissantes pourraient être généralisées et compétitives sur le marché.

Les investisseurs sont observateurs et réactifs

La course à la neutralité carbone commence réellement aujourd’hui, sous l’impulsion des efforts déployés en faveur de la décarbonisation. Une réponse politique inévitable et plus stricte, réduisant la dépendance de la société aux combustibles fossiles dans l’ensemble des régions, pays et industries, aura des répercussions sur la rentabilité à long terme des entreprises en 2022 et au-delà. Au fil du temps, nous pensons que l’engagement mondial en vue d’atteindre la neutralité carbone devrait soutenir la productivité financière des entreprises qui créent des solutions face au changement climatique ou s’orientent vers des activités plus écologiques, car les organismes de réglementation gouvernementaux et le marché récompensent et encouragent de plus en plus ces comportements. Cette situation pourrait avoir un impact sur les entreprises opérant dans des secteurs tels que l’électrification, l’agriculture, les réseaux électriques et les technologies de captage de l’hydrogène et du carbone, par exemple, ainsi que sur les entreprises exposées à ces thèmes à travers leurs chaînes de valeur respectives. Les investissements annuels dans ces cinq secteurs devraient attirer 2 000 milliards de dollars de capitaux par an d’ici 2025 et réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050.

À plus long terme, les efforts déployés par les entreprises dans le cadre de la transition énergétique devraient, selon nous, se refléter dans leur coût du capital et leurs valorisations. Au niveau macroéconomique, les efforts de décarbonisation commencent à libérer l’innovation, de nouveaux canaux de création d’emplois et de nouvelles sources de croissance économique.

Les investisseurs ne disposent pas de feuille de route pour la voie qu’ils s’apprêtent à emprunter. Une connaissance approfondie des tendances de l’industrie, la dynamique concurrentielle et le cadre réglementaire sont des éléments indispensables. En outre, l’accès direct aux équipes dirigeantes des sociétés afin d’examiner et de remettre en question les plans de décarbonisation sera essentiel pour négocier la transition énergétique.

Monika Kumar

Contact presse

Wim Heirbaut

Senior PR Consultant, Befirm

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