Profiter des obligations d’entreprise des marchés émergents

Par Denise Simon et Arif Joshi, Gérants de portefeuille/analystes au sein de l’équipe Dette des marchés émergents de Lazard

L’augmentation des rendements sans réduire la qualité est la raison la plus convaincante d’envisager une allocation aux obligations d’entreprise des marchés émergents. Une partie de l’attrait des obligations d’entreprise des marchés émergents réside dans les mauvaises perceptions et les inefficiences des marchés susceptibles d’entraîner cette hausse des rendements.

La capitalisation boursière de l’univers négociable de la dette des entreprises des marchés émergents libellée en monnaie forte est estimée à 2 700 milliards de dollars. Les entreprises des marchés émergents ont également émis plus de 9 000 milliards de dollars de dette négociable sur leurs marchés domestiques. Bien que les investisseurs étrangers restent encore inactifs sur ce segment du marché, ce dernier représente près de 12 000 milliards de dollars d’opportunités totales.

Le marché des obligations d’entreprise des marchés émergents est également diversifié. Près de 700 émetteurs issus de 57 pays constituent désormais l’indice CEMBI Broad Diversified, l’indice de référence le plus populaire pour les portefeuilles d’entreprises des marchés émergents1. L’ampleur de la répartition sectorielle est manifeste : au-delà des secteurs sensibles aux matières premières que peuvent évoquer ces pays riches en ressources naturelles, certains secteurs se concentrent sur la croissance intérieure et les secteurs défensifs.

Le montant nominal des obligations capturées par l’indice CEMBI Broad Diversified a augmenté de 21 % par an depuis sa création fin 2001, et malgré une brève accalmie en 2020 en raison de la pandémie, les émissions nettes devraient se poursuivre à un rythme soutenu au cours des prochaines années.

Différences importantes entre le crédit des marchés émergents et celui des marchés développés

Au-delà des différences géographiques évidentes, les contrastes entre les obligations d’entreprise des marchés émergents et les autres formes de crédit sont des éléments qui méritent selon nous une discussion.

  • Contrairement aux marchés développés, où les titres à haut rendement et investment grade sont clairement délimités, les investisseurs en obligations d’entreprise des marchés émergents ont tendance à fusionner les titres de l’ensemble du spectre de notation.
  • La plupart des émetteurs des marchés émergents utilisent les marchés financiers internationaux pour financer leur croissance plutôt qu’à d’autres fins ; ils émettent de la dette à l’étranger, principalement parce que l’épargne nationale dont ils disposent n’est généralement pas aussi importante.

Une occasion unique d’ajouter du rendement sans sacrifier la qualité

La différence la plus intéressante pour les investisseurs entre les obligations d’entreprise des marchés émergents et celles des marchés développés est, selon nous, le rendement plus élevé des marchés émergents sans possibilité de dégradation proportionnelle de la qualité de crédit. Pour chaque notation de crédit allant de A à B, les obligations d’entreprise des marchés émergents affichent un endettement net inférieur à celui des obligations d’entreprise américaines de même notation. Toutefois, la rémunération des spreads réalisée par les investisseurs pour chaque unité de levier est nettement plus élevée. Ces différences ne sont pas un phénomène récent : depuis que des données de comparaison pertinentes existent, les entreprises des marchés émergents ont toujours été moins endettées. De même, les investisseurs ont commencé à exiger des spreads supplémentaires pour les obligations d’entreprise des marchés émergents à partir de 2008.

Trois mauvaises perceptions de l’écart de spread

Perception erronée 1. Les obligations d’entreprise des marchés émergents sont plus exposées aux défauts que leurs homologues des marchés développés. Les statistiques sur le crédit et l’endettement que nous avons mentionnées précédemment laissent à penser qu’il est peu probable que ce soit le cas d’un point de vue fondamental, et c’est ce que confirment les données réelles sur les défauts. Cela s’explique en partie par le fait que la plupart des entreprises des marchés émergents empruntent pour financer la croissance plutôt qu’à des fins d’ingénierie financière. Par ailleurs, les taux de reprise sur les marchés émergents se sont toujours relativement bien alignés sur les obligations américaines à haut rendement.

Même dans le segment Investment Grade, les obligations d’entreprise des marchés émergents semblent plus résistantes. Nous pensons que l’explication repose sur des différences structurelles. Le plus faible niveau d’endettement des entreprises des marchés émergents tend à les placer dans une meilleure position pour résister aux tensions économiques cycliques, tandis que leur faible part d’activités physiques traditionnelles, qui sont soumises aux perturbations technologiques, ainsi que la prédominance d’entreprises inextricablement liées au potentiel de croissance plus élevé des pays émergents devraient contribuer à limiter la migration vers le bas des notations.

Perception erronée 2. Les obligations d’entreprise des marchés émergents sont généralement moins liquides que les obligations d’entreprise américaines investment grade et à haut rendement. Même si les écarts cours acheteur/vendeur se sont réduits au fil du temps, ils restent supérieurs à ce que nous anticipons sur les marchés développés, et ils devraient augmenter davantage en période de tensions sur les marchés, comme la vague de Covid-19 en mars et avril 2020. Cette moindre liquidité représente en effet un risque pour lequel nous pensons que les investisseurs devraient exiger une compensation. Toutefois, elle ne devrait pas dissuader un investisseur ayant un horizon d’investissement suffisamment long pour profiter du rendement favorable des obligations d’entreprise des marchés émergents.

Perception erronée 3. Les obligations d’entreprise des marchés émergents sont fortement exposées aux fluctuations défavorables des taux de change. Plus précisément, la devise du pays d’origine de l’émetteur s’affaiblira et augmentera les coûts de service de la dette. Si cela était vrai, cela justifierait en effet des rendements beaucoup plus élevés sur les obligations d’entreprise des marchés émergents, mais cette inquiétude est dépourvue de tout fondement analytique. La majorité des entreprises des marchés émergents contractent des engagements en devises fortes contre des actifs ou des flux de revenus en devises fortes, ce qui atténue le risque d’une incohérence. De plus, de nombreux régimes de taux de change dans les pays émergents limitent aujourd’hui la volatilité des devises. JPMorgan a analysé ces risques et estime qu’au plus 12 % des titres de dette d’entreprise des marchés émergents sont exposés à la faiblesse de la devise nationale.

Trois raisons expliquant l’écart de spread

1. Structure de marché : la structure des indices de référence, notamment le mélange de qualité de crédit, est mal alignée sur la manière dont de nombreux investisseurs en obligations d’entreprise considèrent le monde, même si elle peut être logique pour les investisseurs traditionnels sur les marchés émergents. Les investisseurs ayant leur propre recherche crédit interne peuvent être réticents à consacrer leurs ressources pour se sentir à l’aise avec les valeurs les plus reconnues, et peu de sociétés sell-side disposent d’un modèle de recherche véritablement mondial pour les entreprises des marchés émergents.

2. Facteurs techniques : le total des actifs benchmarkés sur les indices d’obligations d’entreprise des marchés émergents reste relativement faible. À peine 5 % du stock de dette d’entreprise des marchés émergents, soit environ 120 milliards de dollars, est détenu par des investisseurs dédiés ou « naturels ». Les 95 % restants sont détenus par des investisseurs « crossover », qui achètent de manière opportuniste mais n’ont pas besoin de détenir spécifiquement des obligations d’entreprise des marchés émergents. Par conséquent, les obligations d’entreprise des marchés émergents peuvent être sujettes à des baisses lorsque ces investisseurs décident de vendre. Un autre facteur technique à noter est l’offre soutenue pour les obligations d’entreprise des marchés émergents en provenance des investisseurs asiatiques, qui ont tendance à concentrer leurs achats sur des émetteurs régionaux. Bien que les obligations d’entreprise asiatiques affichent en moyenne des notes de crédit plus élevées, cette segmentation régionale des investisseurs peut générer des incohérences de prix au niveau mondial que les investisseurs peuvent utiliser à leur avantage.

3. Perception : les obligations d’entreprise des marchés émergents ne sont pas nécessairement plus risquées parce qu’elles se trouvent dans un pays émergent, mais leur présence dans un pays émergent peut présenter des risques supplémentaires en termes d’intégration, d’analyse, de prix et de gestion. Toutefois, le type et l’ampleur des risques peuvent varier considérablement d’un pays et d’un émetteur à l’autre. Néanmoins, l’incertitude de nombreux investisseurs quant à la manière d’intégrer le risque souverain ou leur manque de capacité a eu tendance à entraîner une hausse des rendements.

La pandémie et le choc économique qu’elle a provoqué ont modifié les perspectives des actifs sur lesquels les investisseurs se sont toujours concentrés. Nous pensons qu’il est temps d’envisager les possibilités d’offrir un rendement intéressant sans sacrifier la qualité de crédit avec les obligations d’entreprise des marchés émergents.

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1 Par rapport à l’indice CEMBI Broad, l’indice CEMBI Broad Diversified limite la capitalisation boursière au niveau des pays en réduisant le montant nominal des obligations éligibles.

Arif Joshi

Contact presse

Wim Heirbaut

Senior PR Consultant, Befirm

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